Alcool jeunesse Paris

L’extension de la place dévolue à la consommation d’alcool et de tabac dans Paris ne va-t-elle pas à l’encontre des politiques de lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ?

Alors que le plan d’action européen pour réduire l’usage nocif de l’alcool 2012–2020 rappelle que plus l’alcool est disponible, plus il est consommé et plus il est dommageable (page 20), l’extension de la place dévolue aux terrasses, couplée au laxisme de la Préfecture de Police en matière d’autorisation de débits de boissons, est contraire à une politique efficace de lutte contre l’alcoolisme.

Les politiques de lutte contre l’alcoolisme à Paris sont un échec, notamment vis-à-vis de la jeunesse.

En effet, une étude de Santé Publique France sur l’alcool en Île de France nous apprend ceci :

  • La proportion de personnes de 18-30 ans déclarant avoir consommé de l’alcool au moins une fois par semaine est passée de 26 % en 2005 à 32 % en 2017.
  • Les cas d’ivresses chez les 18-30 ans sont passés de 24 % à 42 % sur cette même période.
  • Les cas d’alcoolisation ponctuelle importante chez les 18-30 ans sont passés de 15 % à 25 % sur cette même période. Chez les étudiants, ils sont passés de 10 % à 23 % !

L’étude montre que Paris bat tous les scores en matière d’alcoolisation excessive par rapport aux départements limitrophes.

  • Chez les hommes, la proportion de personnes déclarant avoir été ivres au cours de l’année était plus importante à Paris : 41.6 % des hommes de 18-75 ans à Paris déclaraient avoir été ivres au cours de l’année (page 15) vs. une moyenne de 25 % dans les autres département de la région.
  • 32 % des hommes à Paris déclaraient avoir eu une API (alcoolisation ponctuelle importante) au moins une fois au cours des 12 derniers mois vs. 22 % sur l’Ile-de-France.

*API : L’alcoolisation ponctuelle importante (API) est définie par le fait de déclarer avoir bu six verres de boissons alcoolisées ou plus en une même occasion.

Ci-contre un exemple de l’état d’alcoolisation de certains jeunes parisiens lors de la Fête de la Musique 2021, tellement désinhibés par l’alcool qu’ils n’hésitent pas à provoquer les policiers en les aspergeant avec leur bière, en plus de ne pas respecter le protocole sanitaire.

En plus de l’impact sanitaire sur les personnes alcoolisées, elle a un impact sanitaire sur le sommeil et la santé des riverains.

L’étude de droit au sommeil sur les victimes de nuisances sonores nocturnes établit que les personnes alcoolisées ou droguées et les terrasses sont les principales sources des nuisances sonores nocturnes à Paris (56 %) (page 40)

Avec le développement des terrasses estivales et l’autorisation d’installer des parasols, la publicité pour l’alcool est de retour dans la ville, parfois même à proximité des écoles.

Une politique qui va à l’encontre des recommandations de l’INSERM en matière de lutte contre l’alcoolisme

Une récente étude de l’INSERM rappelle que « des facteurs tels que la législation relative à la vente d’alcool, le prix des produits alcoolisés, la disponibilité de l’alcool, mesurée notamment par la densité des points de vente ou des boîtes de nuit ou encore les normes relatives à la consommation d’alcool, sont associés aux perceptions positives de l’alcool et aux tendances de consommation. (…) Il a également été montré que la dégradation des conditions socio-économiques, comme par exemple l’augmentation du taux de chômage peut inciter à la consommation d’alcool sous forme d’alcoolisation ponctuelle importante.(…)
Les politiques publiques visant à réduire l’accès à l’alcool ont montré leurs preuves d’efficacité – notamment chez les jeunes – et mériteraient d’être renforcées. »

Le développement du nombre de terrasses et leur fermeture tardive (22h00 officiellement pour les estivales, mais dans les faits beaucoup ferment à 2h00 comme les terrasses annuelles) va à l’encontre des recommandations de l’INSERM (page 91) :

Par ailleurs, la Mairie refuse d’intégrer les associations de riverains aux Commissions de Régulation de Débits de Boissons qu’elle met en place de temps en temps dans certains arrondissements avec la Préfecture de Police, la DPSP et les syndicats professionnels. Cela va à l’encontre des recommandations de l’INSERM (cf. ci-contre) en termes de régulation. Ces commissions devraient également accueillir les riverains et des représentants de l’Agence Régionale de Santé en charge de la lutte contre les addictions.

Développer les mobilités dites douces tout en augmentant la disponibilité de l’alcool est un jeu dangereux.

La question du développement des points de consommation d’alcool avec les terrasses et la promotion des mobilités douces engagés par Anne Hidalgo aurait dû être débattue au Conseil de Paris, au moins pour développer la prévention et les contrôles d’alcoolémie en soirée des conducteurs de trottinettes et des cyclistes.