Sonomètre

Quels problèmes les terrasses posent-elles aux riverains ?

1. Les terrasses peuvent générer des bruits très importants qui sont nuisibles au sommeil et à la santé des Parisiens, surtout quand elles sont ouvertes jusque tard dans la nuit.

Malheureusement, peu d’études existent sur le sujet. La Mairie n’a pas jugé utile d’en financer malgré la place importante qu’elle entend laisser aux terrasses et les plaintes croissantes des riverains.

Cependant, les balises Bruitparif, également appelées « méduses », permettent d’objectiver les niveaux de bruit observés dans les endroits où des terrasses sont installées. Au-dessus des terrasses, on mesure habituellement des niveaux supérieurs à 70 dB. Place du marché Sainte-Catherine un soir de match d’Euro, le mardi 15 juin 2021, une méduse a enregistré une moyenne de 90 dB sur 15 minutes. C’est un niveau potentiellement dangereux pour l’oreille.

Retrouvez les données des méduses Bruitparif en temps réel ici

Dans son rapport sur les effets du bruit sur la santé, le GREPP bruit de la DRASS Rhône Alpes rappelait les effets du bruit sur le sommeil selon le niveau de décibels :

  • 30 dB : niveau recommandé pour l’endormissement.
  • 45 dB : augmentation de la latence d’endormissement
  • 50 dB : perturbation d’une séquence normale de sommeil
  • A partir de 55 dB, des éveils nocturnes peuvent être provoqués, potentiellement non suivis de réendormissement. : bruyant

Il concluait ainsi :

A plus long terme : si la durée totale de sommeil peut être modifiée dans certaines limites sans entraîner de modifications importantes des capacités individuelles et du comportement, les répercussions à long terme d’une réduction quotidienne de la durée du sommeil sont plus critiques. Une telle privation de sommeil entraîne une fatigue chronique excessive et de la somnolence, une réduction de la motivation de travail, une baisse des performances, une anxiété chronique. Les perturbations chroniques du sommeil sont sources de baisses de vigilance diurnes qui peuvent avoir une incidence sur les risques d’accidents.
L’organisme ne s’habitue jamais complètement aux perturbations par le bruit pendant les périodes de sommeil : si cette habituation existe sur le plan de la perception, les effets, notamment cardio-vasculaires, mesurés au cours du sommeil montrent que les fonctions physiologiques du dormeur restent affectées par la répétition des perturbations sonores.

Rapport sur les effets du bruit sur la santé – GREPP bruit de la DRASS Rhône Alpes

2. La Mairie n’intervient pas sur les nuisances sonores issues des terrasses la nuit. Les riverains ne sont pas protégés des terrasses bruyantes.

La place du marché Sainte-Catherine est surveillée par les balises Bruitparif depuis plusieurs années. Depuis que les relevés existent, le niveau de bruit constaté après 22h00 est supérieur à 55 dB. Pourtant, les autorisations de terrasses n’ont pas été modifiées afin de dédensifier et apaiser la zone.

La Mairie refuse d’assumer sa mission de tranquillité publique auprès de la clientèle des terrasses. Alors même qu’elle admet sur son site internet que cela relève de ses missions, le service concerné, le Bureau d’Actions contre les Nuisances Professionnelles, renvoie les victimes vers le Commissariat de Police.

Source : https://www.paris.fr/pages/nuisances-sonores-qui-faut-il-alerter-8198

L’Inspection Générale a confirmé dans un rapport d’audit en juin 2020 que la Mairie ne se donnait pas les moyens de remplir cette mission. Voici sa conclusion:

Force est de constater que l’organisation mise en place depuis juillet 2017, avec la création du BANP, n’a pas complètement mis la Ville de Paris en situation de s’approprier l’exercice des missions que lui a confiée la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain en matière de bruits de voisinage causés par des activités professionnelles, sportives, culturelles ou de loisirs.

Inspection Générale – Audit du bureau d’action contre les nuisances professionnelles (BANP) de la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection

3. Une grande partie des Parisiens veut vivre au calme et dans un espace public régulé. Cela n’est pas compatible avec une forte densité de terrasses non régulées. Mais cette demande est ignorée par la Mairie de Paris.

Les Parisiens veulent du calme et être protégés des comportements gênants qui privatisent l’espace public. Or les terrasses sont mal régulées depuis des années, générant des nuisances sonores et des entraves à la circulation des piétons.

En 2019, Eurogroup Consulting a remis à la Mairie un Diagnostic sur la sécurité des Parisiens dans leur Vie Quotidienne. Il a pu mettre en avant les 7 principales attentes des Parisiens en matière de sécurité.  La Sécurité dans le RER et le Calme sont en tête des attentes de Parisiens (page 7).

Dans son paragraphe « Je veux du calme » (pages 74 à 76), le rapport indiquait ceci :

En 2017, 30% des Parisiens sont incommodés par la présence de gens bruyants dans l’espace public. Les nuisances dues au bruit portent atteinte à la tranquillité publique et préjudice à la santé publique. Elles sont, de ce fait, très peu tolérées des Parisiens qui attendent :
• une action renforcée des acteurs pour toutes les nuisances qui représentent une pollution très particulière, et plus spécifiquement pour les « points noirs » que recouvrent le bruit émanant des débits de boissons, des bruits de voisinage et des installations techniques.
• la possibilité d’identifier clairement l’autorité compétente pour pallier cet irritant majeur qui nuit à la qualité de leur vie quotidienne, et une plus forte réactivité de cette autorité

La lutte contre le bruit ne semble pas suffisamment perçue par les acteurs institutionnels comme un enjeu majeur de tranquillité publique.
Si la VDP et la PP disposent d’un arsenal juridique complet pour répondre à cet irritant particulièrement prégnant dans la vie quotidienne des Parisiens, il n’en demeure pas moins que, faute de priorisation, et face à la complexité des procédures à engager pour régler ces nuisances, la lutte contre les nuisances sonores reste un « angle mort » de la répression aux atteintes à la tranquillité publique à Paris.
Les attentes des Parisiens sur le sujet sont fortes, et concernent l’ensemble du spectre recouvré par ces nuisances, des « bruits récréatifs et festifs » en période estivale aux conflits de voisinage violents mais également le bruit dans l’environnement (chantier, deux roues motorisés). »

Dans son paragraphe « Je veux être protégé des comportements gênants qui « privatisent » l’espace public » (page 41), Eurogroup note un manque d’efficacité de la Ville sur la gestion des terrasses illégales :

Concernant les étalages et terrasses illégales, les maires d’arrondissement souhaitent un soutien plus affirmé de la VDP, notamment par un alignement des injonctions qui peuvent aujourd’hui paraître contradictoires entre la DU qui donne les autorisations d’ouverture de terrasses et la DPSP qui tente de juguler les débordements engendrés par ces dernières, avec des contraventions très peu dissuasives (38 €).

L’étude Eurogroup indique que les moyens de contrôle de l’espace public mis en place par la Mairie sont insuffisants (Page 15) :

  • Des compétences de la Mairie larges (et partagées avec la PP) qui peinent, en l’état, à se traduire opérationnellement : seul le 17, et le 3975 sont joignables par le Parisien, les nuisances sonores ne sont pas prioritaires pour la PN.
  • Des forces trop peu présentes aux moments les plus critiques (soirées, week-ends, période estivale).

4. L’installation d’une terrasse sous une fenêtre est injuste et contraire aux principes égalitaires de notre République : les plus riches peuvent déménager, les autres doivent subir.

Déménager à Paris est difficile et onéreux, surtout pour les moins riches, captifs du marché immobilier. Beaucoup de Parisiens se retrouvent prisonniers dans leur appartement, pris au piège des nuisances sonores des terrasses non régulées qui s’imposent sous leur fenêtre et les empêchent de dormir.

Cf. chiffres et témoignages de l’étude Droit au Sommeil 2020 pages 27 à 30

Pour toutes ces raisons, un appartement peut devenir un enfer quand un bar-restaurant peu scrupuleux installe une terrasse au rez-de-chaussée.

Un appartement peut devenir un enfer quand un bar-restaurant peu scrupuleux s’installe au rez-de-chaussée. L’exemple de ce restaurant festif du 1 rue des Envierges, installé à la place d’une boulangerie calme et devenu une grande source de pollution sonore pour les habitants est criant: