Décret son Musique amplifiée

Musique amplifiée : nous demandons au Ministère de la Transition Ecologique un changement de dogme

Le Ministère de la Transition Ecologique a lancé cet été une consultation sur son projet d’arrêté sur les sons amplifiés attendu depuis 2017 dans le cadre du Décret-Son. S’il va dans le sens d’une meilleure protection des auditeurs, il est largement insuffisant pour protéger efficacement le sommeil des riverains. La consultation a recueilli 177 commentaires que vous pouvez consulter ici et qui montrent bien que le problème touche la France entière, les villes comme les campagnes.

Nous publions ici notre contribution ainsi que celle de l’association Habiter Paris qui est membre du Conseil National du Bruit et que nous soutenons.

Pour un changement de dogme en matière de pollution sonore

« Le Collectif Droit au Sommeil Paris créé en 2020 regroupe des milliers de victimes de privation de sommeil à Paris. Nos membres témoignent chaque jour de l‘impact sur la santé et sur la qualité de vie de la pollution sonore engendrée par la musique amplifiée incontrôlée la nuit. La plupart n’ont pas décidé de s’installer au-dessus d’un bar-boîte-resto, ils sont souvent victimes de nouveaux établissements ou de nouveaux gérants peu regardants sur le bruit, mais aussi de la politique de la Ville.
Ainsi, depuis 3 ans, nous avons développé une véritable expertise sur la privation de sommeil (http://droitausommeil.fr/etude-droit-au-sommeil-paris-septembre-2020.pdf), sur les failles du système et sur l’incapacité des autorités à protéger notre sommeil.
Cela nous amène aux constats suivants :

1) La privation de sommeil par autrui est dangereuse pour la santé et liberticide. Elle est vécue comme une violence et une injustice. Elle génère un sentiment d’abandon de l’Etat censé nous protéger et faire appliquer la loi et une défiance vis-à-vis des politiques et des autorités. C’est un phénomène en développement pour lequel il devient urgent de trouver des solutions.
Une seule nuit de privation de sommeil a des conséquences lourdes sur la vie d’une victime : fatigue, nervosité, irritabilité, déprime, perte d’efficacité au travail, perte de vigilance, augmentation du risque cardiaque et de l’accidentologie. Plus la pollution sonore persiste dans le temps, plus ses conséquences sont importantes.
Priver quelqu’un de sommeil, c’est prendre possession de son corps, c’est lui retirer la liberté de décider du moment auquel il pourra dormir, c’est lui retirer la possibilité d’être en forme et en pleine possession de ses moyens le lendemain.
La privation de sommeil par autrui n’est pas acceptable, quelle que soit sa récurrence.
L’article R. 1336-5 du Code de la santé publique stipule qu’« aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé ».
Mais cet article ne suffit pas à nous protéger. Les autorités échouent à faire appliquer la loi et perdent en crédibilité. Les victimes ont souvent l’impression que l’intérêt économique des contrevenants prime sur leur santé et cette injustice est insupportable.
Le phénomène est important partout en France et sollicite énormément les forces de l’ordre. 50 % des appels le week-end au numéro d’urgence du commissariat du 10ème arrondissement de Paris ont pour cause des nuisances sonores. A Bordeaux, les interventions pour nuisances sonores en lien avec un établissement représentent 30 à 40 % des activités des services de la police municipale.
Etant données ses conséquences, la privation de sommeil par la musique amplifiée doit être considérée comme une URGENCE de santé publique, qui doit primer sur les intérêts économiques.
L’arrêté doit prendre en compte la question de la privation de sommeil par la musique amplifiée et prévoir que le sommeil soit PROTEGE TRES RAPIDEMENT en cas d’infraction entre 20h00 et 8h00. Il faut des mesures immédiates pour protéger les victimes.


2) Les moyens mis en place par les autorités pour la protection des victimes de privation de sommeil sont INSUFFISANTS & INEFFICACES. Il faut que les lois soient APPLIQUEES et APPLICABLES. Il faut une VOLONTE POLITIQUE et des MOYENS pour faire appliquer les lois. Cet arrêté ne servira à rien si personne n’est là pour le faire appliquer.
Nous faisons l’expérience qu’il faut souvent des années pour régler un problème de pollution sonore par la musique amplifiée. Le cas du Bistro 82 rue des Martyrs est emblématique. Le journal Le Monde titrait à son sujet en 2015 « Le drame des décisions de justice non exécutées » (https://www.lemonde.fr/vie-quotidienne/article/2015/03/05/le-drame-des-decisions-de-justice-non-executees_6003960_5057666.html). L’affaire a commencé en 1990 et n’est toujours pas résolue à ce jour.
Actuellement, l’état n’a pas les moyens policiers et judiciaires pour combattre la pollution sonore, et particulièrement la pollution sonore nocturne.
• A Paris, il n’y a que 8 inspecteurs de Sécurité Sanitaire au Pôle Musique et Sons Amplifiés de la Préfecture de Police pour contrôler 15000 bars-restaurants et un nombre important de discothèques, salles de concerts, salles de spectacles et festivals. Le site de la DTPP annonce un temps d’instruction des signalements (https://www.demarches-simplifiees.fr/statistiques/pp-dtpp-signalement-musique) de musique amplifiée de 5 mois . Les inspecteurs ne sont pas joignables, le numéro de téléphone dédié renvoie à un serveur vocal.
• Quand on appelle la police au 17 pour tapage nocturne, elle répond qu’elle passera après avoir traité d’autres priorités. Bien souvent, elle ne passe pas ou elle passe trop tard. Et si jamais elle passe, des guetteurs préviennent les établissements et leur permettent d’avoir baissé le son quand la police entre dans l’établissement.
• Il n’y a donc personne pour réguler les excès. Cette année, le festival Solidays qui se tenait à Longchamp du 24 au 26 juin a inondé de basses une bonne partie de Paris et des Hauts de Seine pendant 3 jours sans qu’aucune autorité n’intervienne pour faire baisser le niveau sonore. Le maire de La Garenne-Colombes, Philippe Juvin, a twitté : « je peux vous dire que nous croulons littéralement cette nuit sous les appels de nos habitants qui demandent qu’on baisse les basses, qu’on entend à des kilomètres à la ronde. »

Quelles solutions pour une meilleure protection ?
Considérant la crise des vocations dans la Police, l’endettement du pays et les problèmes de sécurité intérieure, il nous semble peu réaliste de voir recrutés à l’avenir plus de policiers dédiés aux nuisances sonores afin de faire appliquer la loi, alors qu’il nous semble très probable que la pollution sonore nocturne va continuer de se développer.
• Il faut des sanctions plus fortes, plus dissuasives et plus immédiates pour réussir à réguler les excès. Les agents perdent un temps considérable à essayer de concilier avec les contrevenants sans grand résultat si ce n’est de faire gagner du temps aux contrevenants et de laisser perdurer la pollution sonore de musique amplifiée.
Une amende de 1500 € /an n’est pas une sanction dissuasive pour des établissements qui brassent beaucoup d’argent, d’autant plus qu’actuellement, il faut beaucoup de mises en demeure et beaucoup de temps avant qu’elle soit prononcée. Les inspecteurs nous le disent : seules les sanctions capables de faire diminuer les profits de manière importante sont efficaces.
=> Amendes plus élevées proportionnelles au chiffre d’affaires annuel, interdiction de diffuser de la musique et fermetures administratives sont les seules sanctions susceptibles de dissuader les contrevenants.
• Il faut remplacer les policiers qu’on ne peut pas recruter par des radars :
Sur le modèle des nouveaux radars routiers anti-bruit, il faut développer et installer à leurs frais des radars sonores dans les établissements diffusant de la musique amplifiée signalés par les riverains qui permettent de prévenir le gérant que le niveau est trop élevé et de verbaliser à chaque fois que le niveau est dépassé, autant de fois qu’il le faut dans une soirée. On pourrait même imaginer un système qui permette de couper la sonorisation au 3ème dépassement.
• Recourir au privé pour sanctionner les abus en appliquant un principe du pollueur/payeur :
Dédier le contrôle de la pollution sonore au privé, comme pour le stationnement des voitures, et faire en sorte que le montant des amendes puisse financer ce service selon le principe du pollueur/payeur.

3) Il faut se rendre à l’évidence : la musique en plein air n’est pas maîtrisable, et particulièrement les basses. Les moyens techniques pour contrôler correctement la musique en plein air n‘existent pas.
C’est la raison pour laquelle les organisateurs d’événements musicaux en plein air demandent une obligation de moyens et pas de résultat.
Il faut arrêter de croire qu’on va trouver des solutions et éviter la pollution sonore des festivals. Certains festivals existent depuis plus de 20 ans et créent toujours autant de nuisances. C’est le cas de Solidays (23 ans d’existence) évoqué plus haut. C’est le cas de Woodstower à Lyon (https://www.lyonmag.com/article/125377/woodstower-du-rap-de-l-electro-et-beaucoup-de-bruit), qui cette année avait pourtant fait l’effort de réduire le niveau de décibels à 100 dB et envoyé le son au sol.
Dès lors, les festivals en plein air n’ont pas leur place dans les agglomérations densément peuplées.

Le laxisme des autorités par rapport à la loi sur la tranquillité a permis à ce secteur polluant de se développer fortement depuis 20 ans.
Comme on mène une politique de diminution des voitures thermiques pour protéger les Français de la pollution de l’air, il faut désormais avoir le courage de mener une politique de lutte contre la pollution sonore des festivals musicaux.

• Interdire les festivals dans les zones densément peuplées afin de les inciter à s’installer dans des zones où ils gêneront moins. Les grandes villes ont déjà accès toute l’année à la culture et à la fête, les festivals dans les grandes agglomérations n’ont pas une grande valeur ajoutée pour la collectivité.
• Dans les zones moins denses, plus éloignées de la culture au quotidien et moins favorisées économiquement, il faudrait organiser des référendums locaux afin de s’assurer que la population est prête à supporter la pollution sonore engendrée et obliger les festivals à reloger à leurs frais tous ceux qui le demandent le temps du festival.
• Encadrer les horaires des concerts afin de ne pas perturber le sommeil des habitants et des animaux.
• Favoriser le retour de la musique en salle insonorisée.
Il y a d’autres moyens de passer un bon moment entre amis en écoutant de la musique. Ces moyens s’appellent salles de concerts et discothèques. S’ils respectent une EINS sérieuse et sont bien contrôlés, ils doivent permettre de protéger les riverains. Le Ministère de la transition écologique devrait accompagner les associations organisatrices de festivals en zones densément peuplées vers ce type de lieux.

4) Le réchauffement climatique et le développement des musiques à fortes basses imposent de mieux encadrer l’usage de la musique amplifiée dans les endroits ouverts.
Bars-restaurants aux baies grand ouvertes, vélos, trottinettes et voitures avec sono à fond, enceintes portables dans les rues, sur les quais, dans les parcs, cours de danse en extérieur, la musique amplifiée est désormais partout dans l’espace public et elle est bien souvent trop forte. Même le rédacteur en chef du média tendance Vice.com alerte sur ce phénomène (https://www.vice.com/fr/article/n7zn3w/les-enceintes-portables-sont-en-train-de-detruire-notre-existence) !
Nous faisons l’expérience qu’une meilleure isolation phonique n’a presque aucun effet sur les basses et qu’avec les fortes chaleurs, les citadins ont 2 options : dormir avec les fenêtres ouvertes pour profiter de la fraîcheur nocturne ou installer une climatisation. Chacun sait que la deuxième solution n’est pas souhaitable collectivement : elle augmente la température extérieure et la consommation énergétique. Dès lors, il faut absolument mener des campagnes de communication et de verbalisation afin que chacun comprenne que la musique doit s’écouter en intérieur, particulièrement après 20h00.

En conclusion, encadrement des basses fréquences, protection rapide des victimes de privation de sommeil, amélioration des moyens de contrôles, obligation de résultat de la part des émetteurs et meilleur encadrement de la musique amplifiée en plein air doivent venir enrichir cet arrêté.
Le Collectif Droit au Sommeil Paris se tient à votre disposition pour participer à toute réflexion sur la pollution sonore, et sur la pollution sonore de la musique amplifiée en particulier.

« URGENCE de compléter ce décret et cet arrêté : les nuisances explosent » – Habiter Paris

Les troubles subis par les riverains liés à la musique amplifiée explosent.

Cet arrête et ce décret sont une avancée pour la protection des troubles auditifs des spectateurs et des agents qui assistent ou organisent la diffusion de musique amplifiée. Pour autant il ne répond pas à la nécessité urgente de mieux la protéger la santé des riverains car le nombre de sources de pollution sonore liées à la musique amplifiée augmente actuellement de façon considérable.

ce décret et cet arrêté n’abordent aucunement 2 questions absolument majeures pour la protection de la sante des riverains.
–  Il ne traite pas des basses fréquences de 63 hz : source majeure d’une pollution sonore particulièrement polluante car elle se propage très loin
–  il ne modifie en rien le processus de contrôle des établissements, type café – bar- petite salle, diffusant de la musique amplifiée. Ce processus, tel qu’il est organisé aujourd’hui , est opaque, très long , peu opérant. Il entraîne des litiges et des conflits pouvant durer des dizaines d’années pour des établissements qui pendant cette durée ne sont jamais en conformité. Nous demandons urgemment la mise en place d’un processus de vérification de la conformité avant que l’activité de diffusion de musique amplifiée ne commence. Ce processus doit permettre ensuite une traçabilité , en toute transparence, du maintien de la conformité avec des contrôles réguliers.

Nos demandes :

Pour la rédaction de l’arrêté nous demandons une rédaction plus claire sur les points suivants :
–  Article 2 paragraphe 2 : Mettre dans l’arrêté que la personne chargée du contrôle doit noter des incertitudes inhérentes à l’appareil et inhérentes aux conditions de mesurage ouvre la porte à de multiples contestations qui risquent de rendre inopérants ces contrôles.
–  Article 3, 4, 5 : Pour l’enregistreur, l’afficheur, et l EINS, nous demandons que les conditions de contrôle périodiques soient élargies et qu’elles soient obligatoires en cas de travaux portant sur la modification du local et lors de tout changement de gérant ou de propriétaire.
–  Article 5 : En cas d’AOT, nous proposons que l’autorité compétente pour l’octroi de l AOT vérifie l‘existence d‘un engagement contractuel entre l’organisateur de l’évènement et les riverains portant sur trois temps :
o Avant l’évènement : information et concertation préalable avec les riverains pour prévenir au mieux les nuisances sonores.
o Pendant : engagement d’un contact disponible et accessible pendant le spectacle pour résoudre en temps réel d’éventuels problèmes.
o Après le spectacle : prévoir un temps de discussion entre régulateurs de l’espace public, riverains et organisateur de l’évènement pour faire le bilan et permettant de souligner les points positifs et les points négatifs à améliorer.

Nous demandons, en urgence, que ce décret et cet arrête soient complétés par un nouveau texte législatif :
–  permettant de contrôler efficacement la diffusion des basses fréquences avec un spectre descendant a 63HZ

–  assurant un processus de contrôle de la validité des locaux et des installations qui soit préventif, transparent et traçable. Nous demandons les modifications suivantes :
o Tous les établissement souhaitant diffuser de la musique amplifiée doivent obligatoirement en faire la demande auprès de la préfecture de police afin que celle-ci puisse établir un fichier actualisé . Cette demande ne peut être accordée que sur présentation d’une EINS totalement valide incluant une étude d’impact auprès des riverains et tenant compte de la situation géographique du lieu
o Cette liste actualisée des établissements autorisés par la Préfecture de Police doit être consultable en opendatata
o Cette autorisation doit obligatoirement être affichée sous forme de vignette à l’entrée de l’établissement précisant la date de le EINS et l’organisme certificateur . Un peu comme la vignette auto
o EINS doit être systématiquement remise à tous les riverains chez qui elle est réalisée et doit pouvoir être communiquée à tous ceux qui en demandent l’accès .
o Si le local dédié à la musique amplifiée possède des ouvertures nous demandons que l’étude d’impact soit systématiquement faites fenêtres fermées mais aussi fenêtres ouvertes .Trop souvent ce point n’est pas précisé et la réalité montre que si l’étude d’impact pour les riverains est satisfaisante fenêtres fermées elle ne l’est pas fenêtres ouvertes : ce que fait souvent l’établissement notamment l’été.
o L’étude d’impact chez les riverains doit aujourd’hui être faite fenêtre ouverte . Le réchauffement climatique , la nécessité d’hère fréquemment sont lieu d’habitation doit inciter les habitants à vivre fenêtre ouverte.
o Nous demandons que les organismes réalisant les études d’impact soient certifiée .
o Nous demandons que les limitateurs de niveaux sonores soient obligatoires et non falsifiables .
o Nous demandons que le contrôle de validité de l’installation et des locaux soit réalisé tous les 2 ans ou lors de modifications du système de son, du changements de gérant , de travaux portant sur les locaux avec mise à jour obligatoire de la vignette .
o Nous demandons l’application d’une règle simple : pas d’EINS, conforme, pas de vignette = pas de diffusion de musique amplifiée. Il faut vraiment mettre fin à ces établissements qui pendant des mois, des années, diffusent de la musique amplifiée dans des locaux inadaptés.